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22 novembre 2014 6 22 /11 /novembre /2014 11:15

Double jeu au sommet pour Canet

 

 

A l'instar du titre qu'il a choisi pour le film - emprunté d'ailleurs aux menaces que proférait son auteur aux victimes avant de leur tirer dessus et dans ses lettres à la police - le réalisateur Cédric Anger livre un film glaçant, à l'atmosphère sombre, optant pour une réalisation dépouillée mais étrangement naturaliste, qui parvient à transmettre l'incompréhension ressentie face au personnage central de cette histoire adaptée d'un sordide fait divers. Après avoir interprété le personnage éponyme de L'homme qu'on aimait trop, relatant l'affaire Agnelet (où le réalisateur Cédric Anger opérait d'ailleurs comme dialoguiste), l'acteur Guillaume Canet est de retour dans la peau d'un autre homme tristement célèbre pour ses crimes. Il prête ses traits cette fois à Alain Lamarre dans ce film tiré d'un fait divers survenu dans l'Oise, à la fin des années 70. Il offre une interprétation impeccable, sobre mais troublante, en campant cet homme à la personnalité double : gendarme modèle le jour, tueur implacable la nuit...

 

La prochaine fois je viserai le cœur n'est pas un film policier au sens strict, ni un film de traque ; le réalisateur a en effet pris le parti de faire d'Alain Lamarre, le "tueur de l'Oise", le personnage central de l'histoire, et donc, de filmer de son point de vue. Pas de suspense donc quant à l'identité du criminel à débusquer, mais belle et bien une tension maintenue du début à la fin du film, grâce à des scènes restituées avec brio, de manière pourtant minimaliste, voir clinique. Le "tueur de l'Oise" suivait d'abord des jeunes femmes en voiture, avant de prendre des auto-stoppeuses pour s'attaquer à elles... Cédric Anger filme l'ambiguïté d'un homme qui, une fois démasqué et arrêté par ses pairs, a été jugé "inadapté" par la justice. L'idée du film est donc de s'éloigner du schéma classique, de la traque et de l'enquête habituelles, sans chercher à donner d'explications véritablement psychologiques voire psychiatriques, mais bien de rendre les faits, en dévoilant le quotidien et la routine de cet homme au double jeu. La réussite du film repose beaucoup sur l'interprétation de Guillaume Canet, convaincant en gendarme appliqué, modèle aux yeux de ses supérieurs, mais en réalité à la merci de ses frustrations qui le transforment en bourreau : bourreau par ses actes, il est - et le film le montre bien - pour autant victime de sa vision déformée de l'ordre moral, de la virilité et de l'héroïsme... Mais si certaines scènes livrent des clés sur l'état psychologique de cet homme aux nombreux refoulements - refoulement d'une sexualité non assumée, on le suppose, mais aussi rejet par le crime de sa personnalité lisse, maniaquerie au quotidien, au sens propre du terme, mais aussi au sens psychiatrique comme on le découvre rapidement, La prochaine fois je viserai le coeur n'est pas un film bavard, dans le sens où il ne verse pas dans l'interprétation explicite d'un personnage trouble. La prochaine fois je viserai le cœur se dote certes d'une dimension psychologique mais ne sonde jamais en profondeur la duplicité du personnage central, un homme glaçant ; le film préfère nous donner à voir un personnage qui reste opaque et profondément dérangeant...

 

Par ailleurs, La prochaine fois je viserai le coeur est aussi puissant car son histoire - vraie de surcroît - abuse de l'ironie du sort : l'histoire nous montre comment un homme au-delà de tout soupçon, gendarme de profession, a trompé tout le monde pendant des mois, tout en travaillant sur l'enquête dont il était lui-même l'objet, à l'insu de tous...

Guillaume Canet incarne avec force et sobriété cet homme malade, que l'on ne peut comprendre; il personnifie la douleur sourde, le besoin de faire mal et d'avoir mal, en somme. L'atmosphère angoissante du film est palpable pour le spectateur, qui se retrouve totalement absorbé par cette histoire qui fait froid dans le dos. Dérangeant mais très bien réalisé, La prochaine fois je viserai le cœur est un film noir qui marque pendant longtemps. Son acteur principal ne joue pas, il est, et ce rôle est sans doute, pour Guillaume Canet, l'un des plus forts qu'il ait interprétés jusqu'ici...

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  • : Journaliste rédactrice,je suis critique ciné à mes heures perdues, je souhaite partager ici mes avis sur les films qui font l'actualité mais aussi ceux dont on parle moins (peu). J'ai mis un peu de temps à me décider à créer ce blog ; les critiques de films ne commencent donc que pour les films sortis depuis début 2011. Longue vie à mon blog et merci d'avance pour vos clics !
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