Le Superman nouveau est arrivé
Ce Superman là était diablement attendu. Depuis 2006 et le flop de Superman Returns, les fans du héros tout droit venu de la planète Krypton attendaient impatiemment ce rendez-vous. Dans l'esprit de Batman Begins, ce film réalisé par Zack Snyder est un reboot. L'échec de la précédente adaptation de la franchise de DC Comics, les teasers et bandes-annonces alléchantes, le nom de Snyder à la réalisation (côté effets spéciaux et blockbusters, il s'y connaît même si certains films sont loin de faire l'unanimité : 300, Watchmen, Sucker Punch...) et celui de Nolan à la production, ont participé au buzz avant même la sortie du film. Sans mentionner que le rôle-titre revient au sublime Henry Cavill, mais là, il s'agit d'un argument totalement subjectif ! D'ailleurs, c'est la première fois qu'un acteur non-Américain endosse le costume de Superman. Le Britannique de 30 ans, déjà pressenti pour tenir ce rôle dans une précédente adaptation qui ne verra finalement jamais le jour, tient là son deuxième grand rôle au cinéma (après celui de Thésée dans Les Immortels de Tarsem Singh en 2011). Populaire depuis sa présence au casting de la série Les Tudors où il interprétait Charles Brandon, Duc de Suffolk et proche ami d'Henry VIII, le beau gosse n'était jusqu'ici pas vraiment un habitué du box-office...
Première bonne nouvelle, donc : Man Of Steel offre à Henry Cavill un rôle qui a de quoi le faire exploser. Après une intense préparation physique de plusieurs mois, l'acteur a pu remplir sans mal le costume bleu et rouge du Kryptonien. Son impressionnante transformation physique participe à la crédibilité du personnage : qui soulève, notamment des chalutiers à la dérive et des bus scolaires avec plein d'ados en panique dedans, rappelons-le ! Le réalisateur souhaitait, de plus, renouer avec l'image du héros tel qu'il l'a découvert dans les comics, d'où la carrure très imposante. Avec Man Of Steel, Snyder impose donc son envie de revenir aux sources et aux fondamentaux. Heureusement, le costume a néanmoins été repensé et on dit "merci". Exit le slip rouge par-dessus les collants bleus. Malgré l'insistance de Snyder - décidément puriste ? - qui souhaitait conserver cet élément désormais kitsch, le costume du super-héros a fait peau neuve. Et ce n'est pas la seule nouveauté à souligner. Côté scénario, l'action rime avec bastons intergalactiques et non pas avec sauvetages de demoiselles en détresse. Car le propos du film est de montrer comment un homme hors de la norme, en marge de la société et doté d'une force surréaliste trouve sa voie en devenant un super-héros. Malgré 2h20 de film, le réalisateur ne parvient pas toujours à montrer la détresse du jeune Clark Kent, avant qu'il ne découvre son destin, de même qu'on déplore l'absence de psychologie des personnages. Quelques notions, pourtant fondamentales à la construction et à l'évolution du héros, comme le sens du sacrifice, la mort du/des père(s), l'humilité de son éducation, etc. ont été, malheureusement, bâclées. Évoquées mais pas développées... On entrevoit néanmoins l'évolution et le parcours initiatique de l'homme d'acier, au travers de flashbacks savamment construits et distillés au cours de l'histoire: ce sont sans aucun doute les morceaux d'émotions les plus porteurs du film. Car Man Of Steel en manque malheureusement. Implacable dans l'action, magistral dans la scénographie, graphiquement impressionnant, on peut lui reprocher une certaine rigidité. Le côté "paria" de Clark Kent aurait sans doute mérité plus d'approfondissement, ce qui aurait aussi été porteur de plus d'humanité.
Znack Snyder, fidèle à son penchant et à sa maîtrise des effets spéciaux, a visiblement préféré miser sur ces derniers, et s'en donne à coeur joie ! De ce côté-là, c'est impressionnant et on salue sa vision de Krypton, planète à la dérive, comme une île flottant dans la galaxie, filmée au bord de l'implosion, avec un certain regard poétique et très "SF" à la fois. Man Of Steel lorgne en effet carrément sur ce genre, tout en étalant une bonne couche d'action. Dommage que celle-ci ne soit concentrée que sur des scènes de destruction massive. Les fans des comics y trouveront cela dit certainement leur compte, entre langage parfois "codé" aux oreilles d'un néophyte, volonté apparente de remonter aux origines et combats explosifs. Visuellement, ce reboot est donc très riche, trop, sans doute. 2h20 comme ça et la rétine s'épuise facilement...
Heureusement, le casting est réussi. Henry Cavill impose sa carrure, porte le costume à merveille et, dans ce rôle de supermâle somme toute assez peu loquace mais efficace, apporte la crédibilité qui manquait à son prédécesseur... Côté "bad guy", on est servis ! Michael Shannon arbore toujours son regard flippant, le même qui nous mettait mal à l'aise dans Les Noces Rebelles, mais version SF. Il campe le Général Zod, ennemi du père de Superman, qui revient traquer la progéniture envoyée sur Terre, quelques milliers d'années après son exil en Zone Fantôme. Impressionnant, il incarne parfaitement le "côté obscur de la force" pour reprendre les termes d'une autre saga... Bref, il a la "gueule" de l'emploi et le phrasé qui va bien, en plus du talent qu'on lui connaît. Seul bémol : le choix d'Amy Adams pour interpétrer Loïs Lane, et la pseudo-romance qui se dessine dans cet opus. On ne croit pas 3 secondes au couple pourtant mythique de Loïs et Clark (là, la midinette en moi est sacrément blasée) et que dire de leur rencontre et des prémices de leur histoire ? Bof, pas convaincant...
En clair, c'était un difficile pari à relever que de réaliser ce Man Of Steel, qui est déjà la 6e adaptation de Superman... Dans l'ensemble, les promesses principales sont tenues mais on aurait aimé que l'action soit mise à profit pour creuser le personnage de Clark Kent/Superman, cet homme hors du commun amené à accomplir un grand destin, et davantage encore en ce qui concerne les personnages secondaires, qui semblent n'être présentés qu'en vue d'une suite. Finalement, on pourra trouver que Superman enfile bien vite son costume, après 30 années à se demander d'où il vient et s'il sera accepté par les autres. Impressionnantes, les scènes d'action sont prolifiques: trop ! Le film de 2h20 souffre de longueurs et les non-initiés pourraient se lasser plus vite encore. L'univers très fictif de la planète Krypton est rendue et les personnages qui en sortent peuvent dérouter quand on n'y connaît finalement pas grand-chose... Quid de la kryptonite et du mythique méchant Lex Luthor ? Ce premier film qui s'avère être le premier volet d'une (nouvelle) saga consacrée au super-héros plante le décor et se concentre uniquement sur la construction du mythe et se termine ... au journal, le Daily Planet. Beaucoup moins lumineux et romancé que les versions antérieures, Man Of Steel ne fait pas de Superman un dieu sur terre, et on apprécie plutôt ce parti pris. Désormais plus en phase dans son nouveau rôle de protecteur de la veuve et de l'orphelin, Clark Kent/Superman devrait se révéler différemment dans une suite... En effet, ses aventures commenceront sans doute véritablement dans le second volet, dont le tournage est déjà prévu pour 2014.